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Sensations de Nouvelle-France

faire halte et établir le campement. De là, l’immensité de la prairie, contemplée plus à l’aise, se déroulait encore, toujours, et partout, sans un vestige d’habitation. La nouvelle voyageuse s’attendait-elle alors à toucher enfin au but de son voyage, et fut-ce le désappointement trop vif qui la terrassa ? Ou bien plutôt, le spectacle de tout cet infini, étalé devant ses yeux effarés dans toute sa puissance dormante, gonfla-t-il soudain son cœur d’une émotion angoissante, par cette même loi psychologique qui toujours nous ébranle devant la mer aperçue pour la première fois ? Toujours est-il que, subitement, la pauvre femme se prit à sangloter, et, comme on la pressait de questions, ne put que répondre ; « Oh ! tout cela est si terrible. Il y en a vraiment trop. »

Et c’est précisément là, en ce « vraiment trop », poursuit Mme Schneider, qu’il faut chercher la raison de l’attachement extraordinaire — pouvant sembler bizarre dans un pays neuf, sans histoire, presque sans traditions — que les habitants du Cap éprouvent pour l’Afrique du Sud. C’est aussi là, continue-t-elle encore, qu’il faut remonter pour s’expliquer le retour si prompt, en Afrique, de la plupart de ceux qui partent pour l’Europe, après fortune faite. Toute cette