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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/14

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LES JACQUES

le témoin de son humiliation fit affluer une coloration brusque au visage de l’homme.

— Brin de Dieu, reprit le nouveau venu dont l’habillement, très délabré, tenait plutôt du soldat que du paysan, ma jambe ne sert plus guère à me porter. Dis-moi, frère, en quel pays suis-je ici ?

— Sur le fief de Coucy.

— Bon, fit l’homme. Est-ce un des membres de cette haute et illustre famille qui te traita si furieusement tout à l’heure ?

À ce rappel de l’affront dont l’étranger ravivait, semblait-il à plaisir, le souvenir cruel, la fureur envahit le paysan.

— Qui es-tu, toi qui te permets de m’interroger ?

Une grosse face rougeaude, d’énormes moustaches d’un blond fauve, des yeux bleu de lin, composaient à l’inconnu figure de brave homme, mais la partie militaire de son équipement prévenait le paysan contre lui. Un heaume défoncé couvrait à demi sa tête. Sur son torse, une cotte de mailles en lambeaux s’apercevait sous une veste de buffle trouée. Un couteau dans sa gaine pendait à une large ceinture et ses jambes plongeaient dans des guêtres faites de plusieurs matières, tenues de lanières et d’agrafes grossières. À son épaule, pendait un bissac.

Avant de répondre, l’étranger contempla un instant le paysan aux sourcils froncés, à l’air haineux.

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