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LES JACQUES

Qu’y a-t-il là qui puisse te troubler ? Non, frère Loys, dit Georget reculant encore, comme pour fuir le tentateur, non je ne peux pas. Mais que t’arrive-t-il ? A quoi songes-tu, tout à coup ? — Frère Loys, elle aussi s’appelait Alyse, et les chiens ont dévoré vivant celui qu’elle aimait. Quel rapport peux-tu trouver envers cette pauvre femme et la douce fille de Philippe de Haume ? Frère Loys, s’écria Georget d’un ton déchirant, je ne les quitterai pas. C’est près d’eux que je suis né, c’est leur pain noir qu’ils ont partagé avec moi, j’ai dormi sous un de leurs toits. Et j’ai prêté le serment avec eux, devant Conrad. Quelle honte aurais-je à manger du pain de froment, à dormir douillettement, à vivre heureux, alors qu’ils tomberont peut-être ensanglantés. — Georget, essaya d’interrompre le moine. Mais une puissance surhumaine semblait inspirer l’adolescent, le transfigurer. Dans la forge, plus un bruit ne s’entendait. Tous se sentaient étreints d’un sentiment quasi sacré, de respect et de tendresse. Non, frère Loys, ce serait vile trahison de les abandonner. Depuis si longtemps, ils sont courbés ! Vous les aimez aussi, frère Loys, et vous savez bien qu’on ne déserte pas un serment. Vous-même me honniriez de délaisser ceux que j’entendrais m’appeler, quand ils sentiront leur chair déchi- - 142 -

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