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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/28

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LES JACQUES

camail bleu, il posait des mains fines sur les bras de la cathèdre où il était assis. Ses pieds chaussés de mules fourrées s’enfonçaient en un coussin de velours noir. Un bonnet rond coiffait sa tête, et sur sa poitrine étincelait une croix d’émail cloisonné, chef-d’œuvre d’orfèvrerie.

Avec l’admirable Christ de bois sculpté étendant au-dessus de lui les blessures de ses paumes déchirées, la croix d’émail affichait le seul luxe du prieur. Mais cette austérité s’arrêtait au seuil de ses appartements emplis de meubles somptueux, d’étoffes rares, d’objets d’art ; dénonçant le rang et la richesse de ce prieur d’une des plus florissantes abbayes d’un siècle qui en comptait un millier.

Frère Loys se montrait peu impressionné du décor sévère. Il s’inclina devant le prieur, ne témoignant d’aucune servilité. Comme il se redressait, il aperçut, debout contre le dossier de la chaise abbatiale, un abbé dont la robe blanche était recouverte d’un manteau noir, et qu’il n’avait pas entendu entrer. À la vue de cette figure glacée, muette, aux yeux baissés, où le sang ne paraissait pas circuler, un léger sourire glissa sur les lèvres de frère Loys.

— Je sais à présent, songea-t-il, d’où vient le coup qui voudrait m’atteindre. Cet abbé Jérôme me hait d’avoir trop raison contre son ordre perverti de mol bien-être et si oublieux de charité chrétienne.

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