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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/36

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LES JACQUES

qu’il avait vu vendre en même temps que leurs bêtes, qu’il avait vu piller, harceler et dont au moindre grief le cadavre pouvait, sur une dérision de jugement, gigoter là-haut, accroché aux fourches patibulaires, justice des seigneurs de Coucy et d’ailleurs.

Le vieux curé qui le baptisa lui avait, de son faible pouvoir, donné quelque pâture spirituelle, et dans la profonde ignorance d’alors, c’était rareté. Mais le prêtre fut tué, en défendant son champ avec ses ouailles contre les Mauvais Garçons que menait Foulques de Laval qui, ayant ravagé la Beauce, faisait une brève incursion dans le Laonnais.

Frappe-Fort avait connu ces jours où le bourg se vidait d’habitants réfugiés, tremblants d’effroi, dans le donjon. Puis, quand les bandes armées étaient parties, laissant le pays plat fumant de ruines, l’autre misère recommençait, la domination des maîtres rapaces, impitoyables, n’hésitant pas plus que les brigands à pendre, rouer, brûler vifs, des vilains pour qui nul n’intervenait ici-bas.

Le passé de Frappe-Fort était lourd de sombres souvenirs.

Fils de serfs, après de longues peines, il était parvenu à se libérer par le rachat, mais au prix d’un cruel sacrifice dont son cœur saignait toujours.

Le servage commençait à échapper à l’autorité féodale, tenue désormais en échec par la puissance

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