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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/54

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LES JACQUES

Rémy, ne porte-t-il pas bien mieux le titre auquel il a droit, en s’appelant Rouge Le Bâtard ! »

Un silence profond tomba sur ces mots. Frappe-Fort le rompit, disant :

— Si vous avez désir maintenant d’entendre l’histoire de la deuxième fille de Jean le Tisserand, je vous la conterai.

« Alyse se trouvait sans doute moins jolie que Jeanne. Donc, pour cela, sans attirer la convoitise de Bertrand de Coucy, elle put épouser Luc, le bûcheron. Malgré que Misère fut installée à demeure au logis, ils avaient recueilli la folle et son petit. Bon an, mal an, on subsistait à cinq, après qu’Alyse eut mis au monde une fille Loyse, à six bientôt, quand un garçon fut né.

« Un après-midi, Luc le bûcheron se trouvant avec Alyse sur la lisière du bois vit un lapin étourdi se jeter dans ses jambes. Le bâton noueux qu’il tenait étendit mort l’animal. C’était un crime. Les bêtes des forêts, comme les poissons de la rivière, comme les gens du village, formaient le patrimoine des hauts et puissants sires de Coucy.

Luc ne l’ignorait point, mais le péché était tentant d’ajouter quelque viande à la soupe aux raves. Il cacha la bête encore tiède sous son sayon.

« La Providence, vois-tu, frère Loys, ne doit pas aimer les misérables. Elle permit qu’à ce moment Bertrand de Coucy débouchât du taillis. À sa vue, sentant leurs genoux se dérober, les deux serfs

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