Aller au contenu

Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES JACQUES

eurent si nettement allure de coupables que le seigneur n’hésita pas.

« — Approche, dit-il à Luc.

« Le bûcheron obéit.

« — Que caches-tu là ?

« Mal attaché, le lapin en glissant répondit au seigneur.

« — Ah ! ah ! tu aimes la chasse, à ce que je vois, railla le maître. Eh bien, je vais t’en offrir le plaisir.

« Il siffla ses chiens et alors…

— Mon père m’a conté cette histoire, interrompit L’Agnelet très pâle.

Tous écoutaient, penchés vers Frappe-Fort. Grégoire entrait ses ongles dans ses joues à force d’attention, frère Loys remuait les lèvres comme s’il priait. Et du fond de la forge, sans qu’on y prît garde, la vieille se traînant avançait, tendant son cou décharné vers le groupe des compagnons.

« — Alors, reprit Frappe-Fort, tandis qu’à genoux ma mère suppliante était renversée à coups de fouet qui la laissaient gisante, Bertrand de Coucy conduisait la chasse. Ce fut une chasse damnée, un homme s’enfuyant, hurlant, happé par les chiens excités de la voix et de la cravache, un gibier humain mordu, renversé, sentant sa chair fouillée par les crocs des bêtes, se relevant ruisselant de sang, hideux, pour retomber sous l’étreinte des dogues qui le laissèrent évanoui, les os brisés, enfin !

— 53 —