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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/99

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LES JACQUES

Quand furent là tous ceux qu’on attendait, Frappe-Fort se dressa. Sa haute taille balançait sur l’assemblée une ombre fantastique. L’atmosphère devenait suffocante, mais nul n’y prenait garde.

— Guillaume, chuchota Georget, frère Loys ne viendra-t-il pas ?

— Je ne sais. Il se trouve peut-être retenu à Laon.

— Oh ! Guillaume, que mon cœur bat.

— Chut ! fit doucement Guillaume, écoute.

Frappe-Fort parlait. D’abord hésitante, sourde, sa voix s’élevait peu à peu, résonnant net comme de l’acier clair.

— Frères, disait-il, nous ne sommes point des clercs, habitués à manier les paroles. Nos bras durs ne savent que soulever un marteau ou le mancheron de la charrue. Et de cela nos maîtres nous méprisent, quand ils devraient nous révérer.

— Oh ! nous révérer, c’est beaucoup dire, protesta un laboureur de Saint-Paul-aux-Bois.

— Nous révérer, reprit Frappe-Fort. N’est-ce point nos corps qui sont à la peine, au gel et quand le soleil harde, tandis qu’ils courent le cerf ou folâtrent avec leur mie d’amour ? N’est-ce point notre sang qui scella les pierres de leurs forteresses ? N’est-ce point notre chair que s’arrachent les corbeaux voletant autour de leurs gibets ?

« Te souvient-il, Pascal, de ton aïeul expirant, écrasé aux pieds de Bertrand de Coucy alors qu’il

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