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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/100

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LES JACQUES

entaillait le roc, et que pour son trépas, le noble seigneur n’eut que ces mots de colère : « Ce manant a failli blesser mon lévrier ! »

— J’ai souvenance aussi, répondit Pascal, que ma mère fut surprise à lier un fagot, alors que mon père agonisait de la Grand’Mort qui le devait emporter. On la fouetta de si cruelle façon que, revenue au logis dolente et meurtrie, elle vit trépasser son mari sous ses yeux sans lui pouvoir porter secours.

— Et toi, L’Agnelet, qui te fit orphelin ?

— Las ! on trouva mort, de faim qui sait, mon père le berger au caveau où il expiait le crime d’avoir laissé manger du loup deux brebis pleines. Quant à ma mère, elle était très belle, m’a-t-on dit…

L’Agnelet n’acheva pas. Le silence oppressa les poitrines.

— Mon histoire est aussi triste, reprit Frappe-Fort, autant que la tienne, Rouge Le Bâtard. Et, continua-t-il d’une voix sourde, j’ai dû river moi-même, au col de Loyse ma sœur, à ses chevilles, un carcan de fer et de si lourdes chaînes qu’elle doit être écrasée de leur fardeau, telle une bête de somme.

— Ils nous traitent comme elles, gronda un paysan de Pont-Saint-Mard. Ne nous ont-ils point déjà confondu avec les arbres et les bœufs, nous nommant, en même temps qu’eux, vêtement du fond de terre.

— Ils nous ont appelé monnaie vivante.

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