qui ne se trouvent jamais assez riches pour abandonner ce qu’ils pourraient montrer avec avantage. Ce sont donc les musées et les collections particulières qui renferment la grande masse des statues, auprès desquelles ne figurent que pour très-peu de chose celles des places et d'autres lieux à découvert. Il en était tout autrement chez les anciens, où l’on ne connaissait pas les musées du genre des nôtres, et où les places publiques, les promenades, les xystes, les stades, les théâtres, les bois sacrés, étaient aussi peuplés de statues et même plus que les temples, les palais et les autres édifices.
On se tromperait, au reste, étrangement, ainsi que l’ont fait plusieurs savans et des voyageurs qui n'ont pas mis à leurs recherches toute la critique que l’on était en droit d'attendre de leurs talens, si l'on croyait que le nombre des statues qui sont à Rome, et de celles que contiennent les musées et les collections particulières de l’Europe, est aussi immense qu’on se l'est quelquefois figuré. Tant s'en faut, et ce n’est même que peu de chose auprès de ce que devait en posséder en bronze et en marbre le monde ancien grec et romain, d'après ce que rapportent les auteurs.
Il est très facile de fournir des preuves à l'appui de cette proposition. Dans le recensement que l'Aldroandi, dans son édition de 1556, fait des statues de Rome, il ne s'y en trouve qu'un très petit nombre. Mais, en peu d'années, il s'accrut prodigieusement ; car, en 1562, son recueil en offre cinq cent trente et une, sans y comprendre une assez grande quantité de figures sans têtes et de termes qui depuis, sans doute, sont devenues des statues en leur rapportant des têtes et en les complétant. Mais le tout ne monterait pas, à beaucoup près, à sept cents. Il est bien probable que c’était tout ce que Rome possédait de statues exhumées par les fouilles. Et cependant depuis longtemps elles avaient pris une grande faveur et beaucoup d'extension sous des papes, tels que Jules II et Léon X, secondées par les riches familles princières de Rome, et animées par Michel Ange, Raphaël et leurs écoles, qui brillaient depuis plus de soixante ans. On voit que l’Aldroandi se donna des soins particuliers pour connaître toutes les statues qui existaient à Rome. Car, indiquant les endroits où elles se trouvaient, il passe en revue non seulement les palais et les maisons tant soit peu remarquables, mais il pénètre même dans les moindres habitations, si elles renferment une [XXV]