Page:Claretie - Alphonse Daudet, 1883.pdf/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’est une journée de clair soleil passée à Seine-Port, il y a bien des années déjà, chez Villemessant, qui donnait une fête pour le baptême de son petit-fils. Nous étions là une poignée de fous qui riions de tout, en commençant par nos vingt ans, et, tout le jour, ramant sur la rivière ou gagnant des canards à la foire voisine, nous avions jeté au vent les fusées de nos gaietés. Le plus gai de nous tous était peut-être Alphonse Daudet, s’amusant comme un enfant, avec sa verve de méridional et son esprit de Parisien, inventant avec nous une Revue de fin d’année dont nous n’avons jamais improvisé que les couplets lancés comme des pétards sous les grands arbres du jardin :

Chantons, oui, chantons ce bon Dollingue
Car c’est sa fête ce matin,
C’est certain !

Il fallait entendre Daudet donner à ce Dollingeinng, à ce mateinng, à ce certainng, l’accent argentin, alliacé et narquois des bonnes gens de Nîmes. Il entrevoyait déjà les plaisanteries méridionales, les drôleries et les railleries de son Tartarin de Tarascon et de son Roumestan aux arènes.