Page:Claretie - Alphonse Daudet, 1883.pdf/37

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turaliste qui a regardé le cœur humain à la loupe. Il a peut-être, à son insu, mis quelque chose de lui-même dans ce Roumestan que je trouve, enfin, si sympathique jusqu’en ses erreurs, si vivant et si entraînant. Si le personnage a du charme, en dépit de tout, s’il séduit, s’il conquiert, c’est par le magnétisme affiné que Daudet lui a donné de lui-même. Tout en le raillant, le romancier a voulu absoudre son héros en lui prêtant de son esprit, comme Cervantes, bafouant Don Quichotte, l’a fait aimer en lui prêtant de sa grandeur d’âme de pauvre soldat estropié. Et voilà la vérité même de nos créations. Ne cherchez aux conceptions des romanciers d’autre clef que dans leurs sensations, leurs impressions, leurs souvenirs. Alphonse Daudet, aussi Parisien que méridional, s’est révolté contre l’exubérance envahissante des importants comme Roumestan, qui font de Paris une ville prise. Poète, lettré, prêt à donner tous les projets de loi pour une page des Mémoires d’Outre-Tombe ou une phrase de Michelet, il a voulu railler les Tartarins de la politique. Ce qu’il avait imaginé dans Tartarin de Tarascon (car, Dieu merci, s’il sait voir, il sait inventer, et son