Page:Claretie - Bouddha, 1888.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mètres de l’ennemi quand la nuit vient. Deux cents mètres ! Et la pluie tombe ! Les hommes râlent dans les herbes. On allume, pour ramasser les blessés, des allumettes mouillées… Quelle nuit, mon cher ! Ce brouillard humide, cette douche glacée qui délaye le sang dans la boue piétinée, ces ennemis qui sont là et qui tirent ; le bruit des balles qui sifflent et de l’eau qui dégoutte ; ça ne s’oublie jamais, ces impressions-là.

Je m’étais avancé assez près des lignes chinoises, entendant les Pavillons-Noirs parler de leurs voix gutturales. Tout coup, au milieu d’une décharge de fusils, je reçois sur les pieds une masse qui roule. Je me penche, croyant à un projectile… C’était une tête, une tête coupée de petit paysan de France que les Chinois nous envoyaient à travers les herbes comme une menace et un défi.