Page:Claretie - Jules Sandeau, 1883.djvu/34

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« Je viens de recevoir vos lettres du 26 août. Vous l’aimez bien, notre chère France ; vous ne lui en voudrez pas de vous avoir pris votre fils.

« À cette heure, la plus grave, la plus solennelle de ma vie, toute mon âme est avec vous.

« Dans cette nuit, la dernière peut-être qui me reste à penser, j’ai repassé mon enfance et ma jeunesse que vous avez entourées de tant d’amour. Tout ce temps a été bien bon, la destinée m’a fait la vie bien douce ; je serais ingrat si je pensais autrement. Mais tout cela m’émeut et je ne veux pas être ému.

« J’ai confiance dans nos équipages, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas être vaincus. En ce qui me concerne, je ne verrai jamais amener notre pavillon.

« Je suis à vos genoux, mon père et ma mère bien-aimés. C’est là que, du fond de mon cœur, je prie Dieu de nous donner la force de venger ici notre chère patrie.

« J’aurais pu mieux vivre, mais en descendant au fond de mon cœur, en fouillant tous les replis, je sens que j’ai toujours été honnête ; je ne trouve pas d’actions mauvaises ni de pensées méchantes, et je puis porter la tête haute à cette heure qui va sonner.

« Adieu, je vous aime de toutes les forces de mon âme ; que Dieu nous donne la victoire !

« J. Sandeau. »

N’avais-je point raison de dire que cette lettre mérite de prendre rang dans les livres destinés à faire aimer la patrie ?…

Tel père, tel fils. Il me semble, en la lisant, cette lettre émouvante, que je relis quelque noble page comme le martial dénouement de