Page:Claretie - La Frontière, 1894.djvu/61

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sa jeunesse. Et sa grande folie d’amour, c’était cette patrie dont il épousait la fortune. Vainement Mme Deberle avait essayé de le détourner d’une vocation en quelque sorte atavique. Elle aurait bien voulu, la mère, avoir toujours ce beau et fier garçon auprès d’elle dans la petite maison silencieuse d’où elle regardait couler l’Adour ; elle l’eût souhaité ingénieur, marié avec quelque jolie Basquaise et peuplant le logis quasi désert de petites têtes et de rires. Mais non, la renommée, le danger, la vie dure mais inflexiblement ordonnée, droite comme le devoir, la vie du soldat, et l’aventure, et la fatigue, et le labeur, et les balles, voilà ce qu’il rêvait, lui, se livrant tout à cette existence de sacrifice, tandis que la mère vieillissait, vieillissait, là-bas, dans le logis de Bayonne.