Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/127

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(la nappe était noire et semée de larmes d’argent et d’ossements brodés en sautoir), et chacun aussitôt prenait place.

Cette fois, plus de barrière, plus de frein, plus d’obstacle à sa fantaisie mortuaire. Il rit, il gambade, il grimace, les os et les têtes de morts à la main.

On servait la soupe dans un cénotaphe, — la salade dans un sarcophage, — les anchois dans des cercueils ! — On se couchait sur des tombes, — on s’asseyait sur des cippes ; — les coupes étaient des urnes, — on buvait des bières de toutes sortes ; — — on mangeait des crêpes ; et sous le nom de gélatines moulées sur nature, d’embryons à la béchamelle, de capilotades d’orphelins, de civets de vieillards, de suprêmes de cuirassiers, on avalait les mets les plus délicats et les plus somptueux. — Tout était à profusion et en diffusion ! — Tout était servi par montagnes ! — Au prix de cela les noces de Gamache ne furent que du carême, et la kermesse de Rubens n’est qu’une scène désolée. — Les esprits s’animant et s’exaltant de plus en plus, et du choc jaillissant mille étincelles, les plaisanteries débordaient enfin de toutes parts, — les bons mots pleuvaient à verse, — les vaudevilles s’enfantaient par ventrée. — On chantait, on criait, on portait des santés aux défunts, des toasts à la Mort, et bientôt se déchaînait l’orgie la plus ébouriffante, l’orgie la plus