Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/43

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lecture de de Foé ; il voulut essayer, en plein Paris, de vivre de la vie du sauvage, libre comme l’air, et le voilà qui va s’établir au haut de la rue Rochechouart, dans une maison presque isolée et aujourd’hui démolie. Le clan suivit. On se blottit au hasard, sous des tentes. C’était en été, et il faisait chaud. Quelle belle occasion pour s’exercer à l’emploi de Caraïbe ! Pendant que sur le coteau de Ménilmontant les Saints-Simoniens revêtaient un uniforme d’ordonnance, nos Caraïbes du coteau de Rochechouart jetaient tout costume au diable et vivaient nus, exactement nus, couchés sur des tapis ou sur des peaux de bêtes. On les appelait avec effroi, dans le quartier, le Camp des Tartares. Tout allait bien dans les premiers jours, mais le propriétaire se plaignit ; nos sauvages faisaient du bruit, et beaucoup ; les voisins grommelaient. On parlait vaguement d’agents de police et de commissaire. Le propriétaire se fâcha et mit nos philosophes à la porte. Et les Tartares se retirèrent, non sans réclamations. Il y eut même, dit la