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Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/96

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les heures troublées, comme des visions apocalyptiques.

Le premier cavalier est jeune, frais, alerte ;
Il porte élégamment un corselet d’acier,
Scintillant à travers une résille verte
Comme à travers les pins les crystaux d’un glacier.
Son œil est amoureux ; sa belle tête blonde
A pour coiffure un casque orné de lambrequins
Dont le cimier touffu l’enveloppe et l’inonde
Comme fait le lampas autour des palanquins.
Son cheval andaloux agite un long panache
Et va caracolant sur ses étriers d’or,
Quand il fait rayonner sa dague et sa rondache
Avec l’agilité d’un vain torréador.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le second cavalier, ainsi qu’un reliquaire,
Est juché gravement sur le dos d’un mulet,
Qui ferait le bonheur d’un gothique antiquaire ;
Car sur son râble osseux, anguleux chapelet.
Avec soin est jetée une housse fanée ;
Housse ayant affublé quelque vieil escabeau,
Ou caparaçonné la blanche haquenée
Sur laquelle arriva de Bavière Isabeau.
Il est gros, gras, poussif ; son aride monture
Sous lui semble craquer et pencher en aval :
Une vraie antithèse, — une caricature
De carême-prenant promenant carnaval !
Or, c’est un pénitent, un moine…
…Béat sur la vertu très à califourchon…