Page:Claude Boyer - Les amours de Jupiter et de Sémélé, 1666.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je n’ai point vos défauts, et j’ai tous vos appas.
Je chante sur un ton ni trop haut ni trop bas ;
J’ai de vos passions le tendre et l’agréable ;
J’ai comme vous le style ingénu, raisonnable ;
Dans ma façon d’agir et dans mes sentiments
Je n’ai ni vos chagrins, ni vos emportements ;
Plus discrète que vous je plais sans médisance ;
Et plus douce que vous j’agis sans violence :
Ainsi vous voyez bien si j’ai droit d’emporter
Le prix qu’entre vous deux vous osez disputer.
 
Je sais bien toutefois qu’elle est votre espérance,
Pour emporter l’honneur de cette préférence.
Comme le grand Louis anime votre voix,
Vous me croyez mal propre à chanter ses exploits.
Le moyen que je puisse avec des soins rustiques
Célébrer dignement ses vertus héroïques,
Ce qu’il fait tous les jours pour l’honneur des beaux arts ;
Son règne plus heureux que celui des Césars ;
Le retour de la paix si longtemps exilée ;
L’injustice bannie et la foi rappelée ;
Ses amis secourus, ses ennemis défaits ;
La gloire du triomphe au milieu de la paix ;
Le commerce établi par sa sage conduite ;
Des tyrans de la mer la défaite ou la fuite ;
Et tout ce qui le rend la gloire des François,
La terreur de l’Europe et l’exemple des Rois.
Mais vous verrez un jour ce que peut ma musette,
Notre grand Apollon a porté la houlette,
Et ma voix pour les Rois n’est pas à négliger,
Si les Dieux ont paru sous l’habit de Berger.

MELPOMÈNE.

Hé quoi ma sœur de Juge on vous voit ma partie,
De vos prétentions j’étais mal avertie.
Vous disputer le prix ? Vous dont la faible voix
Ne sait représenter que les plaisirs des bois,