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directe. Il y en eut de plus lointaines : sans les préraphaélites, les Muses d’Henri de Régnier, d’Albert Samain et de Jean Moréas étaient sans doute moins pensives. À tous ils ont donné des leçons de mélancolie. Mais celui qui les a le mieux compris est M. Maurice Maeterlinck, avec cette grande et heureuse différence, qu’au lieu d’immobiliser ses créatures en la sérénité de quelque paradis chrétien ou poétique, il les abandonne, toutes frissonnantes de vie intérieure, aux hasards trompeurs de l’existence. Une tendresse profonde, irrésistible, souvent inconnue à celui-là même qui en est possédé, que vient meurtrir et broyer, du fond des jours, une force implacable : tel est son tragique. Il faisait paraître, en 1889, la Princesse Maleine ; en 1890, l’Intruse et les Aveugles ; en 1892, Pelléas et Mélisande, dont l’héroïne, douce victime aux yeux purs, aux tresses inconscientes, est comme une sœur terrestre de la Damoiselle élue.

La partition de Claude Debussy, qui associe à l’orchestre les deux voix de la récitante et de l’héroïne, ainsi qu’un chœur de femmes, reçut de l’Académie une approbation à peine tempérée de quelques réserves sur le sujet. On sait qu’il est d’usage, au retour d’un prix de Rome, de donner, au Conservatoire, une audition de ses différents envois. C’est ce qu’on voulut faire pour la Damoiselle élue, mais sans y