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très brève d’ailleurs : Debussy était allé à Bayreuth en 1889, et avait entendu, ému jusqu’aux larmes, Parsifal, Tristan et les Maîtres-Chanteurs. Auprès de Moussorgski, Wagner lui parut frelaté : il retourna cependant, l’année suivante, dans la ville sainte, en revint désabusé, et entreprit de démontrer à son vieil ami qu’on ne pouvait aimer à la fois deux formes d’art aussi opposées. Wagnérien fervent, celui-ci ne voulut rien entendre : ils se quittèrent.

Après la Damoiselle élue, Debussy avait bien entrevu la voie qui lui était tracée : c’est en 1888 qu’il mettait en musique les Ariettes oubliées de Verlaine, déjà si musicales. Le choix des Cinq poèmes de Baudelaire, qui furent publiés en 1890, est moins heureux : assigner un chant et conférer une émotion soutenue à ces compositions dures et sans air, pareilles aux tableaux de Manet, et parfois à ceux de Cézanne, c’était presque un tour de force. La musique eut raison pourtant de toutes les aspérités du texte ; mais ce fut au prix d’une énergie inaccoutumée. D’autres poètes encore furent illustrés, à cette heure incertaine, par le jeune musicien : Théodore de Banville, Paul Bourget, de plus obscurs ; et quelques morceaux pour le piano, de cette époque, trahissent les mêmes hésitations. Mais bientôt