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C’est durant l’été de 1892, que passant, vers la fin du jour, par le boulevard des Italiens, Debussy acheta, à la librairie Flammarion, un drame de Maeterlinck qui venait de paraître : Pelléas et Mélisande. Il en commença la lecture le soir même, et fut aussitôt saisi. Seule, la Damoiselle élue l’avait touché à ce degré. Le lendemain, il était déterminé à donner une musique à ce drame ; Pierre Louys, à qui d’abord il confia son projet, lut le volume à son tour, et ne cacha point son étonnement. Mais Debussy tint bon, et les deux amis allèrent ensemble à Gand, trouver Maeterlinck, qui accorda au musicien toute licence de traiter le texte comme il l’entendrait, d’en ôter ce qu’il jugerait superflu, et de faire représenter l’ouvrage, par la suite, en telles conditions qu’il lui plairait.

Pendant dix ans, Debussy travailla à Pelléas et Mélisande. Plutôt il y songea, ces dix années, interrompant ses méditations pour écrire, lorsqu’il sentait le moment venu de fixer sa pensée. Ce fut une lente condensation de rêves, une captation du mystère, une révélation des sentiments cachés, une longue et merveilleuse exploration aux ténèbres de la conscience. Tour à tour, les divers épisodes du drame s’illuminaient de musique, et trouvaient leur sens que les mots, comme un tissu trop lâche, n’avaient pu retenir. Le duo du ive acte fut écrit d’abord ; le reste vint, selon les heures.