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La partition, toujours en croissance, fut, durant ces dix années, la compagne sûre, dont la seule présence encourage et console. Par elle Debussy fut rendu à lui-même, défendu contre les troubles de la vie, le piège des conseils et le danger des collaborations mal assorties. Il osa dire toute sa pensée, et ces œuvres nous furent données : le Quatuor à cordes, en 1893 ; l’année suivante, les Proses lyriques, dont il fut aussi le poète indépendant, et digne de ceux qui étaient ses amis. Sans doute l’influence de Mallarmé se découvre en certains raccourcis d’expression, les « blancs frisson », les « gris conflits » ; mais l’hermétique sertisseur de gemmes n’a jamais connu cette légèreté juvénile :

La nuit a des douceurs de femme,
Et les vieux arbres, sous la lune d’or,
Songent !
À celle qui vient de passer, la tête emperlée,
Maintenant navrée, à jamais navrée,
Ils n’ont pas su faire signe !
Toutes !
Elles ont passé, les Frêles, les Folles,
Semant leur rire au gazon grêle,
Aux brises frôleuses
La caresse charmeuse
Des hanches fleurissantes.