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Poésie tissue de rêve, syllabes irisées, frémissantes, prêtes à se livrer au souffle attendu de la musique. Nulle entrave, nulle limite, l’espace est ouvert ; c’est un jeu où les sons et les mots rivalisent, une partie de fantaisie où l’on s’excite, où l’on s’anime, où l’on invite la nature, les vagues qui « jasent, petites filles sortant de l’école, parmi les froufrous de leur robe », les trains du dimanche, « dévorés par d’insatiables tunnels », les bon signaux des routes, qui « échangent, d’un œil unique, des impressions toutes mécaniques », et le beau ciel fatigué, où, parmi les avenues d’étoiles, « la Vierge or sur argent laisse tomber les fleurs de sommeil ». Seule, la troisième de ces proses, De fleurs, a l’inquiétude d’un mauvais rêve ; elle fait allusion, semble-t-il, aux Serres chaudes, poème maladif de Maeterlinck, que Chausson mettait alors en musique : et elle se dédie à la femme du compositeur.

En 1898, ce furent les trois Chansons de Bilitis’’, choisies dans le recueil récent de Pierre Louys ; ici la concision du style, l’antique rigueur des lignes, ne permettaient plus les grands essors ; mais la musique sur se ramasser, se replier sur elle-même, et, recueillie, atteindre cette sensualité pensive, qui confond le corps et l’âme dans la même volupté grave. De 1898 encore, les trois Nocturnes, pour orchestre, peinture non des objets et des êtres, nuages, fêtes ou sirènes, mais de