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mirages et aux reflets. De là aussi l’attrait singulier de ces œuvres : elles ouvraient un autre monde, non point idéal, mais antérieur à toute lutte, à toute faute ; un monde d’innocence, pareil à celui-ci comme le visage de l’enfance annonce celui de l’homme, qui prendra, avc de la décision, des rides, et perdra la fraîcheur ; elles réveillaient des sentiments de confiance universelle et de fraternité avec toute chose, qui, rebutés par la vie, sommeillaient, sans elles, pour toujours. Elles n’étaient pas seulement des beautés qu’on admire, mais des amies toujours désirées, et qu’une secrète mélancolie rend plus chères encore : nées dans la profonde solitude, elles se savaient vouées à l’impossible, dédiées à l’absence, et n’attendaient à leur tendresse nulle réponse ; c’étaient des vierges pensives, en exil sur cette terre. Ce sont elles qui ont apporté, non aux musiciens seulement, le message d’une nouvelle alliance. Une foi était en elles, qui dépassait les bornes d’un art particulier, et une génération vit aujourd’hui, dont les Nocturnes et Pelléas ont formé plus que le goût : le cœur.