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pour la variété ; Berlioz reconnaît à leur timbre même un pouvoir dont les musiciens du xixe siècle étudieront les effets. Enfin, c’est Schumann et surtout Chopin qui s’avisent d’employer les accords, non plus pour indiquer des tons et des modulations, mais pour donner des impressions particulières ; chez eux, la dissonance ose se risquer librement, sans la prompte excuse de l’accord parfait ou consonant ; elle est appelée pour elle-même, et non à titre de préparation ; elle a mission d’imiter le scintillement des étoiles, le murmure des sources ou la tendre inquiétude d’un cœur douloureux. Ce ne sont pas ici des nouveautés, mais d’heureux retours : avant l’âge classique, les musiciens du clavecin, ceux du luth, même les créateurs de l’opéra florentin et les maîtres du chant à plusieurs parties, au xvie siècle, savaient placer à propos un accent d’harmonie ; mais la grande sècheresse qui survint après 1750 avait tout perdu.

Cependant la musique, comme la poésie, souffrait d’une lutte entre la raison et les sens nouveaux-venus, dont on acceptait les services, tout en les tenant pour suspects. Tous les romantiques, sans excepter Wagner, le plus complet, sinon le plus hardi, prennent bien soin de ne pas trop s’écarter de la gamme majeure ; même lorsqu’ils se permettent quelque infraction à son ordre sacré, promptement l’harmonie intervient pour