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cela qu’un musicien fût à même de sentir par lui-même l’affinité mutuelle des sons, comme le poète la valeur des rythmes.

De même que la note, pour une telle imagination, attire la note, l’idée appelle l’idée. Les romantiques les juxtaposent ; ici elles procèdent l’une de l’autre ; et les points d’attache ne s’aperçoivent plus. Dans le Prélude à l’après-midi d’un Faune, qui est l’ouvrage le plus narratif, c’est par degrés insensibles que la rêverie s’exalte et se désespère ; dans le second Nocturne, ce cortège, dont l’éclat assourdi traverse la fête, est baigné par la même rumeur de lumière ; les différents échos qui s’élèvent, le soir, des rues de Grenade, dans la seconde Estampe, respirent un même sentiment d’ardeur mélancolique ; enfin, tout au long de Pelléas, les idées appropriées à chaque situation se tiennent d’un pacte ignoré, nouant, autour des événements fortuits, une symphonie de tendresse à l’invincible charme. C’est le secret de l’unité qui n’est pas assurée par des moyens extérieurs, n’a pas signes de reconnaissance, mais se fie à la suite naturelle des impressions. C’est l’unité d’un caractère, celle d’un paysage ; c’est, enfin, l’unité du ton, si l’on entend ce mot, non dans l’acception étroite de la théorie musicale, mais au sens moins défini que lui accordent les poètes et les peintres.