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pourquoi tous ces poèmes de musique, même les inquiets, les déçus, les douloureux, laissent un parfum de douceur et de paix.

Obéissant aux seules volontés de la vie, cette musique est toujours belle. Telle est sa leçon ; ceux qui l’ont entendue sont devenus pareils à des initiés que le mystère n’effraie plus. Ils n’ont plus été sur la défensive devant la nature, parce qu’ils en comprenaient la raison, impénétrable à la raison humaine. Ils ont rendu grâces à ce qui existe, pardonné à la vie ainsi qu’à la mort. L’océan des apparences leur est devenu transparent et ils ont osé s’y livrer. Ils n’ont plus eu peur d’eux-mêmes et de leur ombre ; ils ne se sont plus méfiés de ce qu’ils sentaient ou de ce qu’ils désiraient. Ils ont erré par les jardins du monde, où toutes les fleurs leur ont souri. Et la musique dont ils étaient ravis était pareille à une fleur aussi, par sa grâce ingénue ; elle était fille du ciel, de la terre et des eaux, parce qu’elle était toute faite de génie.

C’est ici le lieu de remarquer que la belle musique a toujours été faite de génie aussi. Mais depuis l’âge classique, ce génie n’arrivait au jour qu’après s’être soumis les règles. Aujourd’hui, il se montre de prime abord ; il a toute la liberté de son