Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/112

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philosophes. Mais croyez-vous qu’ils en soient de moins bons soldats ? »

M. d’Orvilliers allonge une moue sous sa moustache rude.

— « Il y a la manière, » murmure-t-il.

Et il se reprend, avec une gaîté mélancolique :

« Au fait, vous avez raison. Il faut être optimiste. D’ailleurs, les générations nouvelles ne sont pas méprisables… »

Il marche trois pas, et vient appuyer sa main sur l’épaule de Fierce :

« En voici la preuve. Regardez ce gamin : ça sort de nourrice, ça fait des vers et ça compose des sonates ; — tous les vices. — Quand même, ne vous fiez pas à cette mine de sainte-nitouche : je sais fort bien qu’au bon moment, mon petit Fierce, sans barguigner, me fera la leçon d’honneur. »

Fierce, flegmatique et résigné, ne bronche pas. Il comprime avec respect une grimace ironique. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il a pris l’habitude de subir impassiblement les louanges de son chef candide. Et quoique ces louanges pèsent parfois à sa loyauté, il ne manque jamais de les tolérer en silence, par amicale pitié pour celui qui les donne. Non pas, certes, que jamais il se mêlera de renchérir sur le fanatisme moyen-âgeux du bonhomme ! Mais à quoi bon faire de la peine aux gens ?

Or, il lève les yeux, et rencontre, appuyé sur son regard, le regard de Sélysette Sylva ; — un regard chaud d’admiration. Mlle Sylva a pris au sérieux le