Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/136

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— « Tiens, dit Malais familièrement, vous ici ? Un joujou pour Liseron, je parie… »

Il appela la Juive qui cherchait parmi les écrins :

« Fernande ! mon éventail ? Je suppose que c’est prêt, cette fois ? »

Il se tourna vers Fierce

— « Un cadeau de ma femme à Mme Abel. Dites-moi si c’est de bon goût… »

Fierce prit l’éventail avec admiration :

— « Fichtre ! c’est adorable ! Où avez-vous volé ces plumes-là ? »

L’éventail était de marabouts et de nacre ; une vigne d’or, incrustée sur le plat, portait en guise de fruits des grappes de perles noires.

— « Savez-vous ? dit Fierce en riant. Cette vigne est indiscrète : elle parle de pot-de-vin.

— Et ce bracelet-là, de quoi parle-t-il ? »

Le bracelet était un anneau d’esclave, très lourd, enrichi de gros cabochons. La Juive lut le prix étiqueté : deux mille piastres.

— « Un placement tout trouvé pour votre gain d’avant-hier. »

Fierce sourit. Malais se frappa le front.

— « J’y suis ! Ça va rue Chasseloup-Laubat, ce lingot d’or farci de pierreries. »

Fierce eut l’air de chercher.

— « Rue Chasseloup ?…

— Faites l’innocent ! Chez Mme Ariette.

— Je vous en prie, » commença sèchement l’officier.