Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/120

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— « Ma femme va bien, et sans cocaïne, » dit le banquier en riant.

Fierce haussa les sourcils.

« C’est vrai, vous ne savez pas. Votre ami Mévil a voulu la mettre à son régime favori. Ce garçon très ingénieux drogue la plupart des femmes d’ici, et c’est un prétexte pour lui à pénétrer dans leurs faveurs. Grâce à ses pilules importées je ne sais d’où, il insensibilise contre la chaleur, — non sans quelques inconvénients nerveux, bien entendu ; mais on n’y regarde pas de si près à Saïgon. — Or, ma femme ne lui déplaisant pas, ce bon Mévil s’est efforcé d’amener sa cocaïne à la rescousse. J’y ai mis bon ordre, sans d’ailleurs lui en vouloir le moins du monde, croyez-le bien. »

Fierce sourit.

« Vous dînez ici ? demanda le banquier.

— Oui, je pense.

— Moi pareillement. Faites-moi l’honneur de partager ma table. J’ai durement travaillé aujourd’hui, et je mérite la récompense d’un convive comme vous. »

Ils s’assirent. À coups de pied. Malais repoussa les journaux gisant autour de lui.

« Idiots, ces canards ! Croyez-vous qu’ils n’ont pas assez de colonnes pour la dernière visite du gouverneur à je ne sais quel hospice, et qu’ils ne soufflent pas une syllabe des affaires anglaises ? Tas de brutes ! »

Il fixa brusquement sur Fierce des yeux scrutateurs :

« Mais vous, l’aide de camp, vous devez savoir ?