Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/159

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Ils marchèrent côte à côte.

— « Malais, raconta Torral, est en train de gagner une somme énorme dans l’affaire du riz. L’impôt lui a été affermé pour quatre millions seulement, parce que le gouverneur n’osait pas lever cet impôt-là lui-même. Malais ose : il a enrôlé deux mille sacripants armés de Winchesters ; et l’impôt donnera huit millions ; — mais nous aurons une révolte. »

Mévil fit un geste indifférent.

« Gênant, une révolte, insista Torral. On peut nous mobiliser. »

Il était officier de réserve, et désigné, le cas échéant, pour commander une batterie du cap Saint-Jacques.

Mévil n’écoutait pas et marchait les yeux à terre.

« Qu’as-tu ? » fit tout à coup l’ingénieur.

Le médecin, lentement, haussa les épaules :

— « Des ennuis… »

Il parlait à regret.

… « Des ennuis. J’ai envie d’une femme, — qui ne veut pas. J’ai envie de deux femmes…

— Quelles ?

— Malais, — Abel.

— La mère Abel ?

— Non. Marthe.

— Cette petite ? Tu la trouvais maigre.

— Oui. Mais quand je la regarde, j’ai des vertiges. Tu te souviens, un soir, au théâtre ? J’ai failli m’évanouir. Elle m’éblouit comme une lampe électrique. J’ai fouillé mes bouquins, je n’ai pas trouvé de maladie analogue. Je ne sais pas me soigner… »