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Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/204

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Saint-Jacques ; tout cela par zèle pur et simple, ce qui est méritoire : il ne fait pas beau, en mer, aujourd’hui. »

Près de se coucher, Mlle Sylva, ce même soir, vint respirer un moment sur la véranda.

La nuit chaude répandait des parfums à flots. Toutes les fleurs, et chaque motte de terre humide et odorante, exhalaient des souffles troublants.

Mlle Sylva frissonna dans cette ombre vivante. La véranda était basse, et l’horizon limité ; mais la nuit opaque ouvrait l’illusion d’une immensité noire. Mlle Sylva rêva voir Saïgon tout entier, et le fleuve où flottent les navires et les jonques. Dans son rêve, un torpilleur passa, blanc d’écume.

À la même heure, Fierce entrait à bord du Bayard.

Il était courbaturé de lassitude, et trempé jusqu’aux os par l’embrun du large. Le sel des vagues poudrerizait âprement son visage et brûlait ses yeux.

Mais une joie saine courait dans ses artères. — Parfois, des souvenirs assiégeaient ses heures oisives, des souvenirs d’avant Sélysette, des souvenirs de débauche et de scepticisme, — qui ressemblaient à des nostalgies ; — mais aujourd’hui, la rude journée pleine de rafales avait balayé loin ces nostalgies