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Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/251

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— « Vous revenez d’Hong-Kong ? Comme ce voyage a été long ! »

Ariette semblait ravi de retrouver son excellent ami ; il l’invita à dîner pour le soir même, — sans aucune espèce de cérémonie.

— « Impossible, dit Fierce nettement. Je suis un peu souffrant, et je pars demain pour le sanatorium…

— Raison de plus : il vous faut un dinar de famille, et une tranquille soirée pas trop longue. Venez donc !

— Vous nous ferez un tel plaisir, » appuyait doucement Mme Ariette, sans lever les yeux.

Il fallut accepter.

Et ce l’ut un dîner dangereux et trouble. Les doigts de Mme Ariette, jolis et souples, jouaient légèrement sur la nappe, se pliaient et se cambraient comme pour des caresses secrètes ; et Fierce, malgré lui, se souvenait de ces caresses autrefois reçues et rendues. Sous la table, un pied toucha son pied ; il répondit involontairement à la pression. Un désir s’insinuait dans ses nerfs ; sa continence longue se dressait contre lui.

Il eut peur, et se déroba : l’avocat alléguait une plaidoirie à relire pour laisser sa femme et son hôte en tête-à-tête ; Fierce tira sa montre et s’exclama sur l’heure tardive, et prit congé, — sans s’apercevoir du coup d’œil déçu qu’échangeaient les deux époux.

— « Je vous accompagne jusqu’au quai, dit soudain Ariette. Ma plaidoirie attendra. »

Les rues étaient blanches de lune, et la nuit chaude.