Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/298

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partait le matin pour n’y rentrer que le soir, conservant ainsi sa correcte ignorance des faits et gestes de sa femme, laquelle souvent s’absentait mystérieusement à midi. Ces jours-là, un mouchoir de jeune fille séchait à l’une des fenêtres de l’étage, et la grille du clos n’était pas fermée à clef, ce qui épargnait des pas au boy portier. — Une bicyclette se cachait fort bien parmi les hibiscus du jardin, et Mévil savait monter sans bruit l’escalier de briques, et pousser la porte muette d’une chambre virginale toute tendue de blanc.

Or, Mévil avait quitté la rue d’Espagne avant quatre heures, dirigeant d’abord sa roue vers le vélodrome. Mais des coureurs s’entraînaient sur la piste. Il obliqua et se trouva sur la Route Haute. La ville, déjà, était loin derrière, et le village de Tan-Hoa groupait ses cañhas à gauche du chemin.

Par habitude, Mévil donna un regard à la villa Marneffe : le mouchoir-signal flottait au volet. Mévil songea qu’il y flottait peut-être depuis bien des jours, oublié par une main dépitée : deux mois avaient passé depuis sa dernière visite. Mais Mlle Marneffe était tout ensemble vicieuse et sensée, trop sensée pour en vouloir aux amants infidèles, trop vicieuse pour perdre en bouderies le temps qu’on peut mieux employer.

Mévil vit la grille ouverte. Il entra.

Après tout, c’était peut-être là le meilleur remède…

Mais il est des maux contre quoi toutes les médecines sont vaines. Mévil, une heure plus tard, se remit