Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/32

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longtemps le type de pudeur propre à leur race, et se refusent logiquement à cacher derrière des volets clos ce qui leur a paru toujours licite et honorable. Elles sont dans le vrai, d’ailleurs.

— Certes, acquiesça Torral.

— J’avais donc ordonné, — sans enthousiasme, certes ! — ma vie selon les ressources du pays, mais quand même, lorsqu’il a fallu s’en aller, tout d’un coup, brutalement, — comme nous partons toujours, — cela m’a contrarié et presque attristé.

— Trop nerveux, dit Mévil.

— Trop jeune, dit Torral.

— Oui, consentit Fierce. C’est une maladie que j’ai. Je n’aime pas les départs ; ce sont de petits arrachements qui égratignent un coin d’épiderme. — Bah ! nous voici à Saïgon, vivons à Saïgon.

— Pas de Yoshivara ici, dit Mévil. Il te faut une maîtresse, c’est la seule distraction acceptable pour les heures de sieste. Si tu avais le temps, le monde t’offrirait un choix suffisant ; mais pour un touriste comme toi, qui ne fait qu’entrer et sortir, le monde est un lupanar trop encombré, où l’on risque d’attendre et de ne pas trouver selon ses goûts. — Restent les professionnelles. Les blanches sont hors de prix et hors d’âge aussi. Je ne te les conseille pas. Nous avons par contre un lot gentil d’Annamites, de métisses, de Japonaises et même de Chinoises ; — tout cela jeune et frais, sinon joli.

— Je prendrai une Annamite, dit Fierce. J’ai constaté qu’il ne faut pas abuser des produits d’exporta-