Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/97

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battre n’importe où, sans s’inquiéter du pays ni des ennemis… et ils ne se soucient pas de l’argent, car ils gagneraient des fortunes, s’ils voulaient ; mais ils ne veulent pas. Ils préfèrent rester soldats ou marins. Ce sont des hommes d’autrefois… »

Fierce songe.

— « Et voilà, conclut Mlle Sylva, pourquoi je suis contente d’être ici, après avoir eu grand’peur de n’y pas être. »

Fierce sort de sa rêverie.

— « Grand’peur ? Sérieusement, nous avons risqué, mademoiselle, de ne pas vous avoir ?

— Je ne serais pas venue si maman avait été souffrante…

— Je crois que madame votre mère est très âgée ?

— Pas très âgée, mais affaiblie, surtout en ces temps de lourde chaleur. Je lui manque beaucoup quand je ne suis pas auprès d’elle : vous savez qu’elle est aveugle depuis trois ans ?

— Je sais. La vie ne doit pas être toujours très gaie pour vous, mademoiselle ?

— Que si ! Quand vous connaîtrez maman, — vous la connaîtrez, elle est une vieille amie de M. d’Orvilliers, — vous verrez qu’il est impossible d’être triste en sa compagnie. Elle est tellement bonne et souriante, tellement parfaite…

— Vous l’aimez bien !

— Oh ! oui. Je crois même qu’il est tout à fait impossible d’aimer quelqu’un plus que je n’aime maman… D’ailleurs, avouez que c’est assez naturel.