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Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/99

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— Et bonne maîtresse de maison, je vous prie de le croire. — La maison, des lectures et des promenades, voilà toute notre vie, très pleine et pas ennuyeuse du tout… C’est si bon, monsieur, le coin du feu, même lorsque le feu, comme ici, est un mythe !

— C’est un bonheur, dit Fierce, que les marins ne sont pas toujours à même d’apprécier. Mais je le conçois quand même par imagination. — Vous n’aimez pas du tout le monde ?

— Mais si, quelle idée ! Le coin du feu n’empêche pas le monde. J’adore les bals, les soirées, les parties, les toilettes, les uniformes surtout. Et je danse comme une folle. Monsieur, nous valserons ensemble dans huit jours au gouvernement : mon tuteur recevra en l’honneur du Bayard, et je vous réserve la première ligne de mon carnet.

— Conclu, et mille grâces. Savez-vous, mademoiselle, que vous faites une jeune personne bien éclectique ? Le foyer, la vie mondaine, les uniformes, les marins, — quoi encore ? — vous aimez tout, indifféremment.

— Il faut bien, hélas ! En y réfléchissant, la vie n’est pas tellement drôle… Il faut bien l’égayer un peu… Tenez, je pense au paquebot qui nous amena de France, il y a quatre ans, maman et moi ; trente jours de navigation, cela me semblait d’abord impossiblement long et monotone ; mais le paquebot était plein de gens charmants, et nous avons tout de suite organisé des jeux, des lectures, des dînettes ; on dansait le