Page:Claudel - Deux Poëmes d’été, 1914.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CANTATE A TROIS VOIX 43

Ah, qui ne parle de liberté ? mais pour com- prendre ce que c’est,

Il faut avoir été captif, et hors-la-loi, et avoir fui!

Et me voici comme un oiseau blessé, tombé de la horde migratrice, qui fait son nid dans la basse- cour sous une charrette !

...Et exilé pour comprendre la patrie I

Ah, qui me rendra la patrie, et cette mer de blé obscurément, plus paisible que la soie, qui défer- lait à mes pieds dans la nuit de juillet vague à vague !

Ah, seulement pour un moment, deux voix qui querellent dans la langue de mon pays, et le tintement d’une guitare Cosaque, et ce feu suspect là-bas dans les aunes de la Vistule !

Ce ne sont pas vos misérables lopins de champs tout déchirés.

C’est la terre profonde à la hauteur de mon cœur

Du souffle de la nuit tout entière animée qui soupire et qui déferle en un seul flot.

Un tel déluge de toutes parts de la vie respi- rante et montueuse que le feu d’un astre pourrait claquer dessus comme la pluie sur de l’eau I

Comme les poissons vivent dans l’eau et les