Page:Claudel - La Messe là-bas, 1919.djvu/27

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Celui pour qui tout au monde est fini et qui n’a plus de paroles pour chanter,

Il se tait, mais son cœur bat, et le Père l’écoute respirer,

Et quand la douleur est trop grande et que l’on est forcé de reprendre haleine,

C’est Dieu même qu’on appelle l’Esprit bouche à bouche qui entre dans la poitrine humaine !

Quand l’être que nous aimons disparaît, ce n’est pas lui qui meurt seulement.

C’est ce monde habituel qui fâne et qui perd pour nous saveur et sens ;

Lui, pour nous rendre ce que sa perte révèle et ce que sa présence nous cachait,

Ce ne serait pas assez pour nous qu’il revînt tel qu’il était.

Ainsi ces matins dorés et diaprés et brillants,

Pleins de choses amusantes qui bougent, suffisent tels quels à l’enfant.

Mais celui que l’amour simplifie et que la mort a une fois enseigné,

Ce n’est pas la peine de lui rendre ce qu’il aime, si c’est la même chose encore capable de lui échapper.

— Bien que, — ce visage chéri, — ne le verrait-on qu’un peu,

Tout de même ce serait la peine de dire merci et de rendre gloire à Dieu !

Et ce serait bon d’avoir son enfant de nouveau, et ce serait doux,

Cette main dans la main de la femme qui dit : O mon cher mari, c’est donc vous !