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claudine à l’école

logis tranquille et « Bonjour, Monsieur ! Vous avez de beaux rosiers, nous a-t-on dit, c’est pour les jardinières de la salle du banquet, vous savez bien, nous venons de la part, etc., etc. » Le pauvre homme balbutie quelque chose dans sa grande barbe, et nous précède armé d’un sécateur. Nous repartons chargées, des pots de fleurs dans les bras, riant, bavardant, répondant effrontément aux gars qui travaillent tous à dresser, au débouché de chaque rue, les charpentes des arcs de triomphe et nous interpellent : « Hé ! les gobettes, si vous avez besoin de quelqu’un, on vous trouverait encore ça… heullà t’y possible ! en v’là justement qui tombent ! Vous perdez quelque chose, ramassez-le donc ! » Tout le monde se connaît, tout le monde se tutoie…

Hier et aujourd’hui les gars sont partis à l’aube, dans des carrioles, et ne reviennent qu’à la tombée du jour, ensevelis sous les branches de buis, de mélèzes, de thuyas, sous des charretées de mousse verte qui sent le marais : et après ils vont boire, comme de juste. Je n’ai jamais vu en semblable effervescence cette population de bandits qui, d’ordinaire, se fichent de tout, même de la politique ; ils sortent de leurs bois, de leurs taudis, des taillis où ils guettent les gardeuses de vaches, pour fleurir Jean Dupuy ! C’est à n’y rien comprendre ! La bande à Louchard, six ou sept terribles vauriens dépeupleurs de forêts, passent en chantant, invisibles sous des monceaux de lierre