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CHAPITRE XVII.

du caractère des guerres modernes.


Dans la stratégie plus encore que dans la tactique, on ne saurait aujourd’hui prendre une décision ou former un projet, sans tenir compte du caractère que la guerre a revêtu dans les derniers temps.

Sous l’énergique direction de Bonaparte, les Français, foulant aux pieds les anciens procédés de guerre, se sont portés à la conquête de l’Europe avec un bonheur inouï et une impétuosité jusque-là sans exemple. Renversant tout sur leur passage, ils ont, et parfois même du premier choc, ébranlé les plus puissants États dans leurs bases.

La résistance ininterrompue que les Espagnols ont opposée à l’invasion a révélé ce que les armements nationaux et les procédés insurrectionnels peuvent réaliser dans leur application générale, alors qu’ils produisent si peu d’effet quand on y a isolément recours.

La campagne de 1812, en Russie, a mis en évidence ce que raisonnablement on eût dû tout d’abord prévoir : que la conquête d’un empire de vastes dimensions est irréalisable, que la vraisemblance du succès ne décroît pas d’ailleurs toujours pour la défense, en raison des batailles qu’elle perd et des villes et provinces qui lui sont enlevées, et qu’enfin c’est souvent au cœur même

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