Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
le combat.

sur la direction de la guerre une prépondérance telle, que rien ne la peut compenser et qu’elle entraîne irrésistiblement tout avec elle. C’est là ce qui fait, et nous nous réservons d’en parler plus tard, que bien souvent les efforts et les opérations tendent surtout à provoquer chez l’ennemi la plus grande dépression possible de ses forces morales.

L’effet moral d’une victoire grandit en étendue et en intensité en raison du nombre des troupes battues, et cela non pas en progression simple mais en progression composée. Ainsi qu’un membre raidi par le froid se réchauffe promptement à la chaleur du reste du corps, une division battue retrouve vite l’ordre et le courage au contact de l’armée, si bien qu’alors même que les effets d’une petite victoire ne disparaissent pas complètement, ils sont, du moins en grande partie, perdus pour le vainqueur. Il en est autrement, par contre, quand c’est l’armée qui succombe dans une grande bataille, car dès lors les points d’appui manquent, et c’est la masse entière qui chancelle. C’est ainsi que lorsqu’il s’attaque à une seule grande masse, un incendie atteint un degré d’intensité tout autre qu’alors qu’il se divise en plusieurs foyers.

Il semblerait cependant que de tous les rapports du combat, celui des effectifs des forces qui ont lutté les unes contre les autres dût le plus contribuer à préciser le poids moral d’une victoire. En effet, en dehors même du gain matériel qui en résulte, vaincre un ennemi très supérieur en nombre témoigne d’une supériorité morale si incontestable, qu’il semblerait que désormais l’adversaire dût redouter de s’y heurter. Néanmoins quand le fait se réalise, l’influence qu’il exerce dans ce sens est à peine sensible, ce qui s’explique par les raisons suivantes. Au moment même de l’action on ne dispose habituellement que de moyens si vagues d’ap-