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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/134

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chap. iv. — du combat en général.

précier l’effectif réel des forces que l’ennemi porte en ligne, et l’évaluation de celles dont on dispose soi-même est généralement si incertaine, que celui des deux adversaires en faveur duquel la supériorité numérique existe est en situation de ne pas l’avouer, ou du moins de ne la reconnaître que de beaucoup inférieure à ce qu’elle est réellement, ce par quoi il échappe, en grande partie tout d’abord, au désavantage moral qui en résulterait pour lui en cas d’insuccès.

Ce n’est que plus tard, alors que la connaissance du fait ne peut plus exercer d’influence morale sur des événements depuis longtemps accomplis, que l’histoire débarrasse la vérité des voiles sous lesquels l’ignorance, la vanité ou une prudence avisée l’ont tenue cachée, et proclame, enfin, et la gloire de l’armée, et celle du général qui la dirigeait.

Si les prisonniers faits sur l’ennemi et les bouches à feu conquises sur lui sont les plus certains indices du degré d’une victoire, si ce sont là les objets qui tout à la fois la grandissent et l’affirment, il est naturel que l’obtention de ce résultat entre dans le calcul des dispositions prises pour le combat, et qu’on y tende concurremment à l’anéantissement de l’adversaire par la mort et par les blessures.

Nous n’avons pas à rechercher quelle influence cela exerce sur les dispositions tactiques, mais la fixation même du combat entre déjà ici en considération, et cela en raison et dans la mesure des garanties que les dispositions stratégiques présentent pour la sûreté des derrières de l’armée et la menace de ceux de l’ennemi. C’est de là, en effet, que dépend en grande partie le nombre des prisonniers et des bouches à feu dont le vainqueur peut rester maître en fin de compte, et dans maintes circonstances, alors surtout que les dispositions stratégiques lui sont trop contraires,