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les forces armées.

grandes. Alors qu’il exigeait déjà de la conscription qu’elle lui livrât la totalité des hommes valides, il ne pouvait plus augmenter les forces de son armée qu’en donnant de l’accroissement aux armes auxiliaires, car, bien que ces armes soient de beaucoup plus coûteuses que l’infanterie, elles exigent et consomment beaucoup moins d’hommes qu’elle. Il faut, en outre, reconnaître qu’en raison des espaces immenses qu’embrassaient les campagnes de ce général, la cavalerie y avait une valeur incomparablement plus grande que dans les circonstances ordinaires.

Frédéric le Grand, la chose est connue, apportait une extrême sollicitude à réduire autant que possible les charges que le recrutement imposait à ses sujets. Il mit constamment toute son industrie à entretenir la force de son armée aux dépens de l’étranger. On conçoit facilement qu’il eût de sérieux motifs d’agir ainsi, lorsque l’on considère que la Prusse et les provinces de Westphalie avaient encore été distraites de l’étendue déjà si restreinte de ses états.

Tout d’abord la cavalerie lui coûtait moins d’hommes et il lui était plus facile de la compléter par le recrutement, mais en outre elle répondait parfaitement à son système de guerre, basé surtout sur la rapidité des mouvements. C’est là ce qui explique que, pendant toute la guerre de Sept Ans, sa cavalerie alla toujours en augmentant tandis que son infanterie ne cessa de décroître. Néanmoins, vers la fin de la même guerre, l’effectif de la cavalerie du roi dépassait à peine le quart de celui de l’infanterie qu’il avait encore en campagne. D’ailleurs, et aux mêmes époques, il ne manque pas d’exemples d’armées qui, entrées en campagne avec une cavalerie exceptionnellement faible, en sont néanmoins sorties victorieuses. La bataille de Gross-Gorschen (Lutzen) fournit l’un des plus frappants de ces exemples.