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les forces armées.

instruites et exercées pendant la paix. Comme, en effet, cette tactique ne peut être sensiblement modifiée au moment du passage au pied de guerre, on y rattache les conditions spéciales qu’imposent la réunion des troupes en grandes masses et leur emploi à la guerre. On fixe ainsi la forme normale dans laquelle les troupes prendront part à la lutte. On agit invariablement de cette manière chaque fois que de grandes armées doivent être mises en ligne, et il fut un temps où cette prise de l’ordre de bataille était regardée comme l’acte le plus important de toute l’action guerrière. Lorsqu’aux XVIIe et XVIIIe siècles on dut, par suite du perfectionnement des armes à feu, considérablement augmenter le nombre des troupes à pied et les développer sur un front très étendu et très mince, l’ordre de bataille en devint plus simple dans la forme, en même temps que plus difficile et plus artificiel dans l’exécution. Comme on ne sut plus alors faire usage de la cavalerie qu’en la plaçant sur les ailes où elle était moins exposée à l’action du feu, et où d’ailleurs elle trouvait une carrière plus vaste, le nouvel ordre de bataille fit de l’armée un tout absolument ferme et indivisible. Était-on obligé, par suite des circonstances, de séparer l’armée en deux parties, ces parties ressemblaient aux portions d’un ver de terre tranché par le milieu ; les ailes perdaient aussitôt leurs fonctions naturelles, bien qu’elles conservassent encore la vie et le mouvement. Comme les troupes, pour rester agissantes, étaient condamnées à demeurer constamment réunies, on était contraint, chaque fois qu’il fallait former un détachement destiné à agir isolément, de procéder à une sorte de désorganisation partielle, suivie forcément d’une organisation nouvelle. Dans de telles conditions, les marches que l’armée devait exécuter constituaient des opérations des plus dangereuses, que ne fixait