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les forces armées.

dans le voisinage des troupes, d’où ces dernières, au moyen d’autres voitures ad hoc mises dès le principe à leur disposition, emportaient le pain une fois fabriqué. C’est ainsi que les gouvernements ont dès le début cherché à rendre l’organisation de leurs armées indépendante de la nation et du sol. Nous ne mentionnons cependant ce système que parce qu’il met en lumière le caractère distinctif des guerres dans lesquelles il a été appliqué, et parce que d’ailleurs il ne disparaîtra jamais complètement désormais, et qu’on le retrouvera forcément toujours à l’état plus ou moins fragmentaire, adjoint aux différents modes de l’approvisionnement des armées.

Sous l’influence d’un pareil système, les guerres devinrent plus méthodiques, plus concentrées dans leur action et plus strictement en rapport avec le but politique recherché, mais elles perdirent par contre beaucoup de leur énergie et encore plus de leur indépendance et de leur liberté de mouvement. Dès lors, en effet, il fallut sans cesse tenir compte de la proximité des magasins d’approvisionnement, et n’agir que dans le cercle même où le service du train pouvait s’accomplir. Dans ces conditions et pour ménager les vivres, on en arriva tout naturellement à une parcimonie telle dans les distributions, que l’homme de troupe ne recevant qu’une ration insuffisante et n’ayant en perspective aucun bien-être prochain pour l’aider à supporter la misère présente, semblable à une ombre, se traînait parfois péniblement sans plus d’énergie morale que de force physique.

C’est faire preuve d’un esprit imbu de préjugés que, se basant sur les grandes choses qu’a faites dans de semblables conditions l’armée de Frédéric le Grand, d’en tirer la déduction qu’un si déplorable système de l’approvisionnement des troupes ne peut être le prin-