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les forces armées.

vements que ne le comporte généralement l’élément de la guerre, le système des réquisitions ne tardera pas à tant épuiser les contrées sur lesquelles les opérations se produiront, qu’il faudra de toute nécessité conclure la paix ou prendre des dispositions telles que le pays en soit soulagé et que le service des subsistances en devienne plus indépendant. Le second de ces deux cas s’est présenté pour les Français sous Bonaparte en Espagne ; mais c’est du premier dont on rencontre les plus nombreux exemples. Dans la plupart des guerres modernes, en effet, l’épuisement des États belligérants suit une marche si rapide, que loin de penser à donner une direction plus coûteuse qu’au début à l’action militaire, les gouvernements sont bientôt portés à croire et à céder à la nécessité de faire la paix. Ainsi, sous ce rapport encore, la manière actuelle de procéder à la conduite des guerres aura pour résultat d’en abréger la durée. Nous ne nions cependant pas d’une manière générale la possibilité de guerres nouvelles basées sur l’ancien système administratif du service des subsistances. Nous admettons même que favorisée par des circonstances spéciales ainsi que par l’existence de conditions identiques chez chacun des belligérants, la chose se présentera peut-être encore. Nous disons seulement que ce système ne répond en rien aux nécessités générales de la guerre, qu’il ne peut être appliqué que d’une façon très exceptionnelle et dans des circonstances tout à fait spéciales, et que par suite on ne saurait en faire la base d’une organisation normale.

Quant aux personnes qui par amour du prochain réclament l’adoption d’un pareil système, parce qu’en principe il paraît plus humain et épargnerait quelque peu du moins les malheureux habitants d’un pays désolé par la guerre, nous leur demanderons s’il est admissible qu’une fois déchaîné un élément si brutal se