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les forces armées.

se soustraire, et ils en arrivent même à les regarder comme une sorte d’atténuation des maux que la guerre entraîne fatalement à sa suite. Derrière l’armée de petites garnisons volantes, mais fréquemment renouvelées, entretiennent et maintiennent cet état de choses. C’est ainsi, et ainsi seulement qu’il convient généralement d’agir en pays ennemi, tandis que si, prenant un autre système, on s’avisait d’envoyer ses commandants d’étapes, ses gendarmes, ses agents des postes et tous les autres éléments du service administratif sur une route éloignée par laquelle l’armée ne se serait pas avancée, la première et unique pensée des habitants serait de se soustraire à une charge et à des obligations si peu virtuellement appuyées, et sauf le cas exceptionnel où frappées de crainte par les défaites les plus écrasantes ou par les plus grandes catastrophes, les populations n’oseraient manifester aucune résistance, les agents de l’armée se heurteraient aux sentiments les plus hostiles, ou même se verraient repoussés à main armée. Il faut donc, lorsqu’en pays ennemi on regarde comme nécessaire de changer le système de ses lignes de communications, prendre au préalable possession effective des nouvelles routes sur lesquelles on les veut transporter.

Or l’on ne peut atteindre ce résultat qu’en y consacrant des garnisons et des détachements de beaucoup supérieurs à ceux que l’on emploie généralement à cet objet, lorsqu’il ne s’agit que de lignes de communications à établir sur les routes mêmes par lesquelles on s’est tout d’abord avancé dans le pays. Dans l’un comme dans l’autre cas, le danger consiste dans un soulèvement des habitants contre les garnisons, mais dans le second la tentation en est bien plus grande. Bref, l’armée qui s’avance en pays ennemi n’a d’autre moyen que la force pour imposer l’obéissance. Elle doit