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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/49

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de la stratégie en général.

de la lutte, le chef ordinaire, pour ne pas dire le chef faible et irrésolu, en arrive à peine, et par un calcul imaginaire que déjouera maintes fois la réalité, à se fixer une direction logique et un but exact. Mais, dès que le danger et la responsabilité l’enserrent, la vue d’ensemble lui échappe, et, bien que son entourage le puisse quelque peu aider en cela, il perd bien vite tout esprit de résolution, ce à quoi, désormais, personne ne peut obvier.

Un général en chef distingué ne se peut donc concevoir sans hardiesse, ce qui revient à dire que cette qualité est l’indispensable condition du commandement supérieur, et que, sans elle, personne n’est apte à y être élevé. Quant à savoir ce qui peut exister encore de hardiesse acquise ou modifiée par l’éducation et les hasards de la vie, dans un homme parvenu au grade suprême, c’est une autre question. Plus il aura conservé de cette force, et plus son génie pourra prendre d’essor. L’audace croîtra sans cesse, et les risques à courir grandiront avec elle, mais, avec elle aussi, les résultats. Que les motifs soient lointains ou qu’ils naissent d’une urgence immédiate, qu’il s’agisse d’Alexandre ou de Frédéric II, peu importe, en somme, à la critique. Le premier séduit plus l’imagination parce qu’il a montré une plus grande hardiesse, le second satisfait davantage le raisonnement par la manière dont il a su se plier aux circonstances et en tirer parti.

Nous terminerons ce chapitre par une considération importante. L’esprit de hardiesse ne se peut rencontrer dans une armée qu’à l’état de nature, alors que cette armée est issue d’un peuple guerrier, ou à l’état de qualité acquise à la suite d’une guerre heureuse dirigée par des chefs entreprenants.

Or, dans les temps modernes, les relations internationales se sont si fort étendues et ont si fort généralisé